De temps à autre, nous aimons mettre en vedette dans notre bulletin le travail intéressant d’une bibliothèque membre du CAÉB. Ce mois-ci, nous avons interviewé Noushin Naziripour, bibliothécaire en Services techniques des Bibliothèques publiques du Yukon, pour savoir comment son établissement avait procédé pour lancer avec succès un programme de sensibilisation aux services accessibles. Elle avait tellement de choses à nous dire que nous avons voulu poursuivre notre entretien ici.
Noushin, parlez-nous de votre réseau de bibliothèques.
On compte 15 bibliothèques publiques au Yukon, celle de Whitehorse étant la principale, qui desservent collectivement une population d’environ 35 000 personnes. Ces établissements, qui disposent d’une collection d’environ 125 000 articles, obtiennent leur financement du gouvernement territorial et non pas des municipalités.
Comment rendez-vous vos services accessibles aux membres de la collectivité et quels changements avez-vous apportés?
En 2016, nous nous sommes associés au NNELS, le Réseau national de services équitables de bibliothèque, puis au CAÉB l’année suivante. À l’époque, nous demandions à nos abonnés de remplir un formulaire afin de déclarer leur handicap. Ils pouvaient ensuite obtenir une carte de bibliothèque indiquant leur statut de personne incapable de lire les imprimés pour accéder aux services du CAÉB et du NNELS, et emprunter les articles des collections accessibles et un lecteur DAISY.
Nous avons toutefois voulu simplifier notre processus d’abonnement et supprimer au maximum les obstacles. Comme nous savions que les personnes s’abonnant au CAÉB et au NNELS devaient déjà déclarer leur incapacité de lire les imprimés, nous avons estimé qu’il était inutile de répéter cette démarche à notre bibliothèque.
Quels liens entretenez-vous dans la collectivité pour mieux offrir des services accessibles aux abonnés?
Nous avons commencé par dresser une liste des organisations et des professionnels de Whitehorse et des autres collectivités du Yukon susceptibles de desservir des populations incapables de lire les imprimés. Cette liste comportait les noms de ludothérapeutes, d’organisations de personnes âgées, d’orthophonistes, d’enseignants travaillant avec des élèves incapables de lire les imprimés et même l’établissement pénitentiaire de la région. Certains jeunes contrevenants souhaitent poursuivre leur scolarité, terminer leurs études secondaires, etc. Nous avons pris contact avec des instructeurs de cet établissement pénitentiaire, qui ont été en mesure de nous indiquer combien parmi leurs détenus pourraient tirer profit d’un accès aux services du CAÉB.
Nous avons commencé à sensibiliser la population en distribuant des affiches et en faisant de la publicité à la radio, mais nous avons constaté que cela ne suffisait pas. Il fallait faire des visites en personne auprès des organisations pour connaître leurs besoins et ceux de leurs clients, et puiser dans les ressources disponibles et les occasions qui se présentaient pour promouvoir nos services.
Décrivez-nous vos trousses d’accessibilité novatrices
Grâce au Fonds pour l’accessibilité offert par le gouvernement fédéral, notre bibliothèque a été en mesure de se procurer un certain nombre d’appareils fonctionnels, comme des loupes, des iPad accessibles, des lecteurs DAISY et MP3 ou encore des tablettes braille. Les lecteurs DAISY et MP3 peuvent être empruntés pour une période de six semaines. Au début, nous prêtions certains articles pour des périodes de quelques heures, mais nous avons vite constaté qu’ils ne circulaient pas alors nous avons actualisé notre politique de prêt en augmentant cette période à six semaines.
Nous avons découvert que les ergothérapeutes et d’autres professionnels travaillant auprès de personnes incapables de lire les imprimés n’avaient souvent pas le temps ou les ressources en personnel nécessaires pour découvrir sur place ce que la bibliothèque pouvait leur proposer, alors nous avons créé des trousses d’accessibilité. Bon nombre de ces trousses sont proposées aux résidences pour personnes âgées et peuvent être adaptées aux besoins de chaque établissement. Elles contiennent habituellement 25 à 30 articles accessibles, notamment des livres prétéléchargés sur l’iPad accessible et le lecteur DAISY, ainsi que des livres en gros caractères, des livres audio classiques et des porte-livres. Notre sélection d’ouvrages est fondée sur les profils de lecture fournis par les ludothérapeutes de chaque établissement.
Depuis la création de ces trousses, qui viennent compléter l’offre du CAÉB à nos abonnés, nous avons constaté une augmentation de la circulation de nos appareils fonctionnels.
Quels sont les défis particuliers qui se posent dans la prestation de services accessibles à vos abonnés?
Nous desservons de nombreuses petites collectivités – 14 à l’extérieur de Whitehorse. Les petites succursales qui s’y trouvent ont souvent des horaires d’ouverture restreints, des ressources limitées en personnel et une connexion à Internet peu fiable. Ces contraintes peuvent compliquer le maintien à niveau du personnel pour ce qui est des technologies accessibles. Nous aimerions également trouver une source fiable d’apprentissage des pratiques exemplaires en matière de technologie, qui pourrait nous aider à soutenir nos abonnés les plus âgés.
Je serais ravie de pouvoir échanger des conseils et des connaissances avec d’autres bibliothèques. J’aimerais que d’autres organisations au service des personnes incapables de lire les imprimés les orientent vers nous, comme le fait le CAÉB. Ces personnes, quelle que soit leur déficience de lecture des imprimés, pourraient ainsi profiter des services du CAÉB.
Qu’aimeriez-vous dire aux autres bibliothèques au sujet de vos programmes de services accessibles?
Il ne suffit pas de faire de la publicité à la radio communautaire ou de distribuer des dépliants dans les organisations. Les employés de bibliothèque doivent être proactifs, intervenir dans la collectivité et apprendre à connaître les gens et les organisations qui pourraient bénéficier de ce service. C’est de cette manière qu’on découvre les lacunes et qu’on apprend comment la bibliothèque peut répondre aux besoins. Le simple fait d’avoir une collection en dépôt et d’exposer des CD sur une étagère ne signifie pas que ces ressources vont être utilisées par ceux qui en ont besoin. Le personnel de bibliothèque doit comprendre l’importance de l’accessibilité et savoir comment communiquer avec les personnes incapables de lire les imprimés. Prendre contact directement avec ces personnes a été essentiel pour rendre notre service plus accessible dans la collectivité.