Dans le cadre de notre bilan de la décennie écoulée, nous avons demandé à Theresa Power, bibliothécaire chargée de l’accès et du contenu du CAÉB, de nous parler un peu de tout ce qui concerne nos collections.
Theresa, parlez-nous un peu de vous.
Bonjour, je m’appelle Theresa Power et je suis la bibliothécaire chargée de l’accès et du contenu du CAÉB. Mon travail consiste à développer notre collection, c’est-à-dire que je supervise l’ajout à notre collection des livres et autres documents que j’ai sélectionnés. Je suis au CAÉB depuis plus de huit ans, après avoir été au service de la bibliothèque de l’INCA. Je raffole des romans policiers, mais je fais beaucoup de lectures en comité pour évaluer les ouvrages destinés aux enfants et aux adolescents. J’ai fait ce travail de bénévole pour la Forêt de la lecture et, aujourd’hui, je suis coprésidente du Comité « Best Bets » de l’ABO.
- La collection du CAÉB s’est grandement développée au cours de cette décennie. Combien de livres compte cette collection et combien en ajoutez-vous chaque année?
La collection du CAÉB comprend plus d’un million de titres, en incluant ceux de la collection de Bookshare. Rien que l’année dernière, nous avons ajouté plus de 2 700 livres audio commerciaux à notre collection, et nous continuons de commander chaque mois des titres destinés à une production originale.
- Sur quels critères choisissez-vous les livres qui seront ajoutés à la collection du CAÉB?
Nous appliquons notre politique sur le développement de la collection et les critères de sélection fixés par cette politique pour orienter notre travail. En tant qu’organisation canadienne, nous privilégions toujours les titres canadiens, mais nous savons également que nos abonnés aiment les succès de librairie et les auteurs populaires. Parfois, nous avons de la chance et ces critères se chevauchent! Nous recherchons également du contenu récemment publié et d’actualité, et nous sommes fiers de proposer des livres portant sur des sujets brûlants, des tendances actuelles et de grands événements. Actuellement, beaucoup d’ouvrages traitant de l’IA sont publiés. Nous avons donc ajouté de nouveaux livres, qui s’intègrent bien dans notre collection, à l’intention des abonnés qui souhaitent découvrir le monde de l’IA et l’incidence qu’elle pourrait avoir sur leur vie. Une bonne partie du développement de notre collection est consacrée au soutien des nombreux prix littéraires canadiens auxquels nous sommes associés, comme les prix du Gouverneur général, les prix Giller, First Nation Communities Reads, les prix littéraires de la Colombie-Britannique et du Yukon et une foule d’autres. D’une manière générale, nous essayons de proposer une collection similaire à celle qu’une bibliothèque publique de taille moyenne mettrait à la disposition de ses abonnés.
- Comment restez-vous à l’affût des tendances littéraires?
En lisant bien sûr! Je lis beaucoup d’articles, je consulte les listes de succès de librairie et je m’informe sur certains sites Web populaires, qui vont du plus littéraire au plus léger, afin de rester au courant du plus grand éventail de genres possible. Nous suivons également l’actualité d’autres prix littéraires en dehors des grands prix canadiens, notamment les Lambda Literary Awards, qui mettent à l’honneur les livres de la communauté LGBTQ2S+, les Spur Awards, qui célèbrent le genre du western, les prix Hugo en science-fiction, les prix Edgar du roman policier, etc. Tous ces angles d’approche nous permettent d’avoir un très bon aperçu de l’actualité littéraire. Parfois, le sujet peut être si brûlant qu’il est traité dans la presse grand public.
- Dans quelle mesure les demandes des abonnés influent-elles sur vos décisions?
Les demandes des abonnés jouent un rôle très important dans l’orientation de notre collection. Nous aimons toujours connaître les envies littéraires de nos abonnés et, à bien des égards, les demandes qu’ils nous font influent sur bon nombre de nos commandes de titres. Traditionnellement, nous achetons ou produisons des centaines de demandes d’abonnés à chaque exercice financier. Nous examinons et consignons chaque semaine les demandes reçues. Certaines sont faciles à satisfaire, notamment les succès de librairie et autres titres populaires, souvent disponibles dans le commerce. D’autres livres sont un peu plus difficiles à obtenir ou demandent plus de temps, parce qu’ils sont obtenues par d'autres biais. Nous ne pouvons malheureusement pas, pour diverses raisons, donner suite à toutes les demandes. Certaines demandent concernent des livres assez anciens, qui sont parfois trop difficiles ou coûteux à obtenir, ou parfois même épuisés. Il arrive également que la demande porte sur un livre très spécialisé, qui n’intéresse pas suffisamment de lecteurs. Nous vérifions si les livres ont fait l’objet de critiques, qui nous permettent de nous faire une idée de son intérêt et de savoir ce que la communauté littéraire en pense. Nous avons récemment remanié notre formulaire de suggestion de titre afin d’aider nos abonnés à comprendre le processus de sélection des livres. Nous y avons ajouté des renseignements complémentaires, notamment des délais et d'autres options offertes à l’abonné si son livre n’est pas sélectionné.
- Quelle est la marche à suivre pour rendre un livre accessible et comment déterminez-vous les formats de chacun de ces livres?
La disponibilité de chaque livre que nous souhaitons ajouter à la collection est vérifiée au regard d’un certain nombre de ressources. Nous achetons les livres disponibles dans le commerce, si notre budget nous le permet. Si un livre est disponible par le biais du Consortium pour des livres accessibles, nous pouvons également en faire l’acquisition de cette manière. S’il n’existe aucun autre moyen de l’ajouter à notre collection que d’en produire une version de remplacement à partir de zéro, nous l’envoyons à nos partenaires de production. Ces derniers commandent l’exemplaire physique du livre et le transmettent ensuite au service approprié, en fonction du format choisi. Pour ce qui est de la priorité que nous accordons aux formats pour la production, les choses sont un peu plus complexes. Si un livre commercial est déjà disponible, nous pouvons choisir le braille pour la production originale s’il s'agit d’un titre canadien ou d’un ouvrage récompensé par un prix. Nous choisissons parfois le format ePub afin d’accélérer son ajout à notre collection. Les livres d’images pour enfants sont habituellement reproduits en braille imprimé intégral. Pour résumer donc, notre choix de format dépend de plusieurs facteurs, notamment si un abonné a demandé un format en particulier, la rapidité de son ajout à la collection, le fait qu’il s’agit ou non d’un titre canadien, les autres formats éventuellement déjà disponibles ou la décision d’ajouter ou non ce format à un autre format déjà disponible.
- Le CAÉB collabore aujourd’hui avec une multitude d’organisateurs de programmes de prix littéraires. Selon vous, pourquoi est-il important d’ajouter ces livres à notre collection?
Nous avons clairement constaté une corrélation entre l’annonce des prix et les demandes de livres de la part de nos abonnés. Nous savons donc que de nombreuses personnes souhaitent lire et participer. Cette importance est en partie liée au principe d’équité en matière de lecture : ainsi, les chances de lire un livre candidat à un prix sont les mêmes pour une personne qui lit un livre imprimé que pour celle qui lit en braille ou qui écoute sa version en livre audio. En tant qu’organisation canadienne, nous tenons également à soutenir le plus possible les écrivains canadiens et les organisateurs de ces prix. J’ajouterais même que le fait de suivre un grand nombre de ces prix est comparable au fait de suivre les Spurs ou les Lambdas, en ce sens que nous avons une idée de ce qui est le meilleur choix possible dans une catégorie particulière (je dirais la littérature canadienne, mais également en grande partie les livres sérieux et littéraires, bien que pas toujours!).
- Privilégiez-vous un genre ou une catégorie de livre en particulier?
Toujours les produits canadiens! Mais nous essayons également de porter notre attention sur des livres qui représentent et reflètent des communautés et des points de vue divers, et de satisfaire les besoins récréatifs, éducatifs et d'apprentissage tout au long de la vie d’abonnés d’âges, d’origines, de goûts, d’intérêts et d’objectifs différents. La diversité et l’inclusion concernent en partie, mais pas exclusivement, les documents produits par les communautés noires, autochtones et les autres communautés racialisées, la communauté LGBTQ2S+, les familles aux structures diverses, les personnes handicapées, les expériences de réfugiés et de nouveaux arrivants, les personnes aux prises avec une maladie mentale chronique ou d’autres problèmes de santé complexes ainsi que la diversité des corps, pour ne donner que quelques exemples. Il peut également s’agir de documents qui traitent de ces communautés ou sujets. J’aimerais insister sur le fait que nous nous efforçons toujours d’ajouter des titres d’Autochtones, de Métis et d’Inuits canadiens, et que nous sommes partenaires de nombreux prix récompensant ces livres.
- Que pensez-vous de l’idée d’ajouter des titres autoédités à la collection du CAÉB?
Le paysage de l’autoédition a changé depuis que je travaille professionnellement. Au départ, la collection ne comptait aucun titre autoédité, ce qui correspondait à la politique de développement des collections de nombreuses bibliothèques publiques. La tendance s’est inversée au cours des dernières années, et nous tenons compte à présent des livres autoédités écrits par des personnes handicapées ou qui traitent du handicap, car cela correspond tout à fait à la nature de notre collection et au mandat de notre organisation. Nous savons également que ces thèmes ne sont pas nécessairement compatibles avec l’édition grand public, et nous ne voulons pas perdre ces histoires pour autant. Cela étant dit, chaque titre soumis est évalué selon les mêmes critères de développement de la collection que les autres, et toute suggestion ne garantit pas nécessairement son ajout à la collection.
- Comment votre travail a-t-il évolué depuis votre arrive au CAÉB?
Mon travail a énormément évolué depuis mes débuts dans ce domaine il y a près de 15 ans, et pas seulement parce que j’ai changé d’organisation et que je suis devenu une employée virtuelle! Je me souviens d’une époque où nous ne faisions que de la production originale et où le choix de livres était limité, car nous nous efforcions toujours de ne pas dupliquer notre travail. Si des titres étaient disponibles en version audio ou en braille, par exemple, nous ne pouvions pas les ajouter à la collection. Cette situation a considérablement change depuis nos partenariats avec Audible ou Penguin Random House Canada, l’arrivée nombreuses nouvelles entités chargées d’autoriser, et donc l’ajout de livres, au Consortium pour des livres accessibles, ainsi qu’à notre capacité d’acheter des livres dans le commerce par l’intermédiaire d'Overdrive. Cet univers évolue constamment, mais ces changements sont pour nous autant de portes qui s’ouvrent, et non pas qui se referment. Je ne saurais trop insister sur la satisfaction que procure le dernier James Patterson ou Norah Roberts, car je me souviens d’une époque où nous ne pouvions tout simplement pas les proposer, et c’était incroyablement frustrant. Aujourd’hui, le défi consiste à rattraper notre retard, à acheter et à ajouter tout ce qui est disponible. Je suppose que ce n'est pas la pire des situations.
- Que préférez-vous par-dessus tout dans votre travail?
Dépenser l’argent des autres pour acheter des livres!